Introduction à la logique

Spinoza, Pensées métaphysique, Première partie, Chapitre VI, 1663, trad. Charles Appuhn : « Ce qu’est le Vrai, ce qu’est le Faux, tant pour le Vulgaire que pour les Philosophes » :

Pour nous faire une idée juste de ces deux choses, le Vrai et le Faux, nous commencerons par la signification des mots, par où apparaîtra que ce ne sont que des dénominations extrinsèques1 des choses et qu’on ne peut les leur attribuer qu’en vue d’un effet oratoire2. Mais, comme le vulgaire3 a d’abord trouvé les mots, qui sont ensuite employés par les Philosophes, il appartient à celui qui cherche la signification première d’un mot de se demander ce qu’il a d’abord signifié pour le vulgaire ; surtout en l’absence d’autres causes qui pourraient être tirées de la nature du langage pour faire cette recherche. La première signification donc de Vrai et de Faux semble avoir tiré son origine des récits ; et l’on a dit vrai un récit quand le fait raconté était réellement arrivé ; faux, quand le fait raconté n’était arrivé nulle part. Plus tard les Philosophes ont employé le mot pour désigner l’accord ou le non-accord d’une idée avec son objet ; ainsi, l’on appelle Idée Vraie celle qui montre une chose comme elle est en elle-même ; Fausse celle qui montre une chose autrement qu’elle n’est en réalité. Les idées ne sont pas autre chose en effet que des récits ou des histoires de la nature dans l’esprit4. Et de là on en est venu à désigner de même par métaphore des choses inertes ; ainsi quand nous disons de l’or vrai ou de l’or faux, comme si l’or qui nous est présenté racontait quelque chose sur lui-même, ce qui est ou n’est pas en lui.

1Des qualités qui n’appartiennent pas aux choses elles-mêmes. En l’occurrence, ce ne sont pas les choses elles-mêmes qui sont vraies ou fausses, mais les jugements qu’on porte sur elles.

2Si on persiste à dire que des choses sont vraies ou fausses par elles-mêmes, on commet un abus de langage.

3Les termes « vrai » et « faux » ont d’abord eu un usage intuitif avant d’avoir eu un usage rigoureux.

4Une idée n’est pas la représentation d’une chose, mais la représentation d’un jugement ou d’un raisonnement.

Aristote, De l’interprétation, 4, 16b-17a, trad. Jules Tricot : seuls certains éléments du discours peuvent être dits vrais ou faux :

Le discours est un son vocal1 [possédant une signification conventionnelle], et dont chaque partie, prise séparément, présente une signification comme énonciation et non pas comme affirmation2 [ou négation]. Je veux dire que, par exemple, le mot homme signifie bien quelque chose, mais non pas cependant qu’il est ou n’est pas : il n’y aura affirmation ou négation que si on y ajoute autre chose. Toutefois une seule syllabe du mot homme ne signifie rien, pas plus que, dans souris, la syllabe ris n’est significative ; en fait, ce n’est qu’un son. C’est seulement dans les mots composés que la syllabe est significative, bien que ce ne soit pas par elle-même, ainsi que nous l’avons dit plus haut.

Tout discours a une signification, non pas toutefois comme un instrument naturel, mais ainsi que nous l’avons dit, par convention. Pourtant tout discours n’est pas une proposition, mais seulement le discours dans lequel réside le vrai ou le faux, ce qui n’arrive pas dans tous les cas : ainsi la prière est un discours, mais elle n’est ni vraie, ni fausse. — Laissons de côté les autres genres de discours : leur examen est plutôt l’œuvre de la Rhétorique ou de la Poétique3. C’est la proposition que nous avons à considérer pour le moment.

1C’est-à-dire un son produit par la voix.

2Il faut distinguer la signification des parties du discours (les mots par exemple, ont une signification qui leur est propre) et la signification du discours.

3La logique ne porte que sur les propositions bivalentes, en tant qu’elles peuvent être vraies ou fausses.

Aristote, Métaphysique, Γ, 4, trad. Marie-Paul Duminil et Annick Jaulin : est-il possible de contester le principe de non-contradiction ?

Il y a des philosophes qui, comme nous l’avons dit, prétendent, d’une part, que la même chose peut être et n’être pas, et d’autre part, que cela peut se concevoir. Un grand nombre de physiciens aussi s’expriment de cette manière. Quant à nous, nous venons de reconnaître qu’il était impossible, pour une chose, d’être et de n’être pas en même temps, et c’est par ce moyen que nous avons démontré que ce principe était le plus certain de tous. Quelques philosophes demandent une démonstration même pour ce principe, mais c’est un effet de leur ignorance de la Logique : c’est de l’ignorance, en effet, que de ne pas distinguer ce qui a besoin de démonstration et ce qui n’en a pas besoin. Or, il est absolument impossible de tout démontrer : on irait à l’infini, de telle sorte qu’il n’y aurait encore pas de démonstration. Et s’il est des vérités dont il ne faut pas chercher de démonstration, qu’on nous dise pour quel principe il le faut moins que celui-ci ?

Il est cependant possible d’établir par voie de réfutation l’impossibilité que la même chose soit et ne soit pas, si l’adversaire dit seulement quelque chose. S’il ne dit rien il serait ridicule de chercher à exposer nos raisons à quelqu’un qui ne peut donner raison de rien. Un tel homme, en tant que tel, est dès lors semblable à une plante. Mais établir par voie de réfutation, c’est autre chose, à mon avis, que démontrer (…). Le principe de tous les arguments de cette nature n’est pas de demander à l’adversaire de dire que quelque chose est ou n’est pas (car on pourrait peut-être croire que c’est supposer ce qui est en question), mais de dire du moins quelque chose qui présente une signification pour lui-même et pour autrui. Cela est de toute nécessité, s’il veut dire réellement quelque chose, sinon, en effet, un tel homme ne serait pas capable de raisonner ni avec lui-même, ni avec autrui. Si ce point est accordé, il pourra y avoir démonstration par réfutation, car il y aura déjà quelque chose de défini.

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